Le 8 janvier 2025 sera pour les salariés de la clinique Bonneveine dans les quartiers sud de Marseille, plus que le début d’une nouvelle année. Avec la décision du Tribunal de commerce de Bobigny de désigner la Fondation Hôpital Saint Joseph comme repreneur, la clinique sort de l’univers toxique du groupe Avec, qui l’avait reprise en 2012 sur une décision de neuvième chambre du tribunal de grande instance de Marseille.
Le Grand conseil de la mutualité propriétaire de cet établissement mutualiste, fondé en 1927, vendait ainsi une activité clinique et un bien immobilier très bien positionné près du Parc Borély à Doctegestio. Ce groupe de Bernard Bensaïd devenu Avec, était en pleine ascension progressant dans le domaine médico-social et médical en reprenant des établissements à la barre des tribunaux de commerce.
La gestion de celui qui fut un temps un modèle de patron ambitieux et “successful” avec 12 000 salariés, s’est peu à peu délitée et, dans le monde médical, certain n’hésite pas à comparer cette croissance à une « pyramide de Ponzi ». La période du Covid vient paradoxalement apporter du cash à Bernard Bensaid qui fait souscrire des PGE en masse, mais fait remonter aussitôt les sommes versées dans sa holding personnelle en déshabillant les structures soignantes.
Michel Abhervé, professeur associé à l’Université Paris Est Marne la Vallée, en a tenu une consternante chronique dans son blog pour Alternatives Économiques. Même sa collègue de promotion à l’X, Élisabeth Borne déclare le 25 octobre 2022 à l’Assemblée : « Nous avons affaire à un investisseur qui ne respecte ni ses engagements, ni les acteurs du territoire qui lui ont fait confiance, ni les salariés des thermes de Plombières. Nous connaissons ce type de pratiques et nous leur faisons la chasse ». Elle poursuit : « Nous ne laisserons pas des acteurs financiers opportunistes chercher des appuis publics sans jamais tenir leurs engagements (…). ll n’y a et il n’y aura aucune complaisance, aucune facilité, aucune naïveté des pouvoirs publics vis-à-vis de ce groupe, quels que soient les soutiens imaginaires qu’il invoque ».
Une « entreprise à mission » ou une pyramide de Ponzi ?
Bernard Bensaïd fait pourtant du groupe Avec une « entreprise à mission » en 2022, mais il est l’objet de plaintes pour détournement de fonds dès 2023 en Isère et à Marseille. En cause, à Bonneveine, six millions d’euros de PGE qui ont à peine transité dans les caisses de la clinique et ont fait l’objet d’une « ponction » injustifiable. Dans son communiqué, Saint-Joseph reconnaît sobrement que « la clinique de Bonneveine (association APATS Marseille) avait été mise en procédure de redressement judiciaire il y a quelques mois, compte tenu de difficultés financières imputables à des remontées de trésorerie vers le groupe privé auquel elle était rattachée. »
Bonneveine – Groupe Saint-Joseph : une complémentarité
La clinique Bonneveine intéresse vivement le groupe Saint-Joseph pour densifier son offre de proximité sur son territoire : les quartiers sud de Marseille. De plus Bonneveine a su développer au cours des dernières années des projets de soins en faveur des personnes en situation de handicap, qui viendront en complémentarité de l’offre développée par l’Hôpital Saint-Joseph.
La toute nouvelle association Bonneveine Saint-Joseph, présidée par la Fondation Hôpital Saint-Joseph s’est portée candidate à la reprise de l’exploitation de la clinique. Le dossier fut piloté par Dominique Deroubaix, vice-président de l’Association Hôpital Saint-Joseph de Marseille, ancien directeur général des Hospices civils de Lyon et ancien directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’Hôpital européen se mit un temps sur les rangs, mais il se retira du dossier. Saint Joseph avait su mobiliser les soutiens de l’Agence régionale de santé et de l’Assistance publique hôpitaux de Marseille et avait convaincu les équipes, les 300 salariés et médecins de Bonneveine du bien-fondé de son offre.
« Nous avons des complémentarités fortes avec Bonneveine, sur nos valeurs et sur notre vision de la proximité, confie Florent Rovello, directeur général adjoint de Saint-Joseph, Bonneveine a un service d’urgence, offre toutes les spécialités et fonctionne à l’identique de Saint-Jo comme établissement non lucratif avec des médecins libéraux. Nous allons compléter cette offre avec un scanner et nous investirons six millions d’euros sur cinq années. »
La clinique de Bonneveine poursuit et développera son activité tout en gardant une autonomie de gestion et un projet médical propre, en bénéficiant du soutien de la Fondation Hôpital Saint-Joseph et d’un partenariat privilégié avec les associations qui lui sont liées.
« Fabrice Julien, directeur de la Clinique de Bonneveine reste en poste, ainsi que l’équipe de direction », affirme le communiqué de Saint-Joseph, « l’ensemble des salariés et des médecins libéraux poursuivront leurs missions et activités au sein de l’établissement, et la Fondation travaillera en coopération avec tous ces acteurs pour développer les projets de la Clinique. »
La clinique de Bonneveine devient donc la 8e association adossée du Groupe Saint Joseph, complétant ainsi l’offre transversale développée dans le projet stratégique de la Fondation, autour de parcours de santé organisés dès le domicile et jusqu’au retour à domicile des patients, et particulièrement des personnes âgées et vulnérables.
100 000 consultations par an
La clinique du 8e arrondissement de Marseille offre 92 lits et places, emploie 137 médecins, 264 personnels (246 ETP) assure 11 800 séjours et 107 000 consultations par an. L’association assure en outre la gestion d’établissements proposant des services de santé :
- Un laboratoire de biologie médicale
- Un centre de consultations externes avec plus de 60 spécialités médicales et paramédicales
- Un magasin médical Bonneveine
- Le centre dentaire de Bonneveine
- Le centre dentaire de la Canebière.
Reste la question du foncier, puisque Bernard Bensaïd a logé les très chers ares de la clinique phocéenne, dans une SCI familiale qui bénéficie d’un bail généreux. « L’ambition de la Fondation Saint Joseph est d’être acquéreur », affirme Florent Rovello. Une option dans la logique de croissance du groupe a but non lucratif qui apporte le foncier de ses acquisitions à la Fondation (qui devient un garant capitalistique fiable) et confie l’exploitation à des associations spécifiques à chaque site.
Saint-Dominique à Nice…
Prochaine étape pour le Groupe Saint-Joseph sur la Côte d’Azur avec la clinique Saint-Dominique, un établissement de soins médicaux, de réadaptation et de soins palliatifs de 101 lits implanté au cœur de la ville de Nice, avenue Henri Dunant, propriété de sœurs Dominicaines qui souhaitent passer le relais…
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